Le développement durable apparaît aujourd’hui comme une nouvelle forme de conduite pour tous les acteurs y compris ceux de l’aménagement du territoire qui détiennent une sensibilisation à l’environnement de plus en plus prégnante. Cette demande croissante de durabilité est mise en place par des structures fortes qui tentent, en fonction de leurs compétences respectives, d’élaborer les principes du développement durable.
Aux yeux des maires des communes, le terme d’éco-quartier paraît bien plus concret et précis au regard d’autres outils comme l’Agenda 21 (que vous avez probablement dans vos collectivités). Dans leur programme des dernières élections municipales, les collectivités et leurs représentants à l’écharpe bleu-blanc-rouge deviennent tous légitimes à vouloir un quartier écologique sans réellement savoir si le futur site s’y prête ou encore si l’architecture locale, pouvant être délicate, peut accueillir un tel projet.
L’échelle du quartier prend tout son sens dans des opérations de conception de rénovation, de réhabilitation ou de revitalisation d’un quartier dans le but d’une reconquête territoriale. En effet, le développement durable s’accorde mieux à cette reconstruction de la ville sur elle-même qu’à une urbanisation périphérique.
Autrement dit, un éco-quartier établi au milieu des champs et des vaches, non relié à la structure du bâti existant, n’est-il pas faussé si du fait de son éloignement l’utilisation accrue d’un ou plusieurs véhicules est nécessaire (quant bien même ses performances énergétiques seraient satisfaisantes) ? Quel peut être le sens d’un éco-quartier conforme à des standards écologiques élevés si l’agglomération alentour continue à s’étendre sans limite ?
A la lecture de cette définition, le terme d’éco-quartier renvoie donc une certaine technicité écologique mettant en avant des performances énergétiques : le but étant une dépendance énergétique totale. D’une manière générale, ces quartiers tentent de répondre à des enjeux globaux (climat, biodiversité, empreinte écologique) et locaux (resserrement urbain, bien-être environnemental en ville, nouvelle forme de mobilité et de proximité, mixité sociale) au travers de multiples champs d’actions propres à chaque pilier.
Eco-quartier de Vauban à Fribourg-en-Brisgau en Allemagne. Maisons à énergie positive : elles produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment
Les champs d’actions utilisés permettant de tendre vers une performance écologique forte sont variés. Tout d’abord, les ressources naturelles, les déchets, les substances nutritives et les matériaux sont considérés comme des flux. Partant de ce constat, il s’agit d’entretenir, de restaurer, de stimuler, de valoriser au mieux dans une perspective d’économie en boucle et de recyclage en optimisant leur filières de collecte et de traitement. Par exemple, la gestion des eaux pluviales et d’assainissement tente d’optimiser l’utilisation locale des eaux urbaines (pluviales, économies, traitement des eaux usées) au sein de l’éco-quartier favorisant l’installation de cuves de récupération des eaux.
L’éco-quartier ne peut éluder la question de la durabilité écologique sans traiter la question de la mobilité. Les transports étant énergétivores, c’est au moyen de l’intermodalité et le passage du transport individuel au transport en commun que la mobilité sera qualifiée d’écologiquement durable. En plus, l’éco-quartier favorise la multiplication des déplacements doux comme le vélo ou la marche à pied.
La promotion d’une gestion urbaine économe en espace passe par une forte densité et des formes urbaines. En effet, la densité équivaut à un rapport d’individus sur une surface donnée. Autrement dit, plus de personnes vivent sur une surface donnée, plus l’utilisation des sols est efficace pour un moindre gaspillage territorial. Ainsi, l’éco-quartier vise une ville compacte associée à de courtes distances dans le but de réduction de la part de l’automobile dans les déplacements quotidiens. Une vie des courtes distances et une densité suffisante pour assurer l’efficacité de transports publics plus sobres et moins émetteurs de gaz à effet de serre que l’automobile.
Promouvoir la qualité environnementale et architecturale des formes urbaines est l’objectif de l’éco- construction. L’architecture de l’éco-quartier favorise les matériaux à faible capacité énergétique mettant en place toutes sortes de techniques qui permettent une déperdition des énergies : panneaux solaires, éoliennes, géothermie. C’est par la création d’une majorité de logements collectifs ou de maisons de villes mitoyennes que l’éco-quartier tente de répondre au travers de la conception de bâtiments à faible consommation d’énergie associé à une utilisation des énergies renouvelables. C’est au travers d’indicateurs de développement durable, d’empreinte écologique, de labellisations aux différentes échelles (Europe, national et régional) ou encore de norme HQE ou THQE (Très Haute Qualité Environnementale) que l’éco-quartier certifie du bon matériel écologique utilisé.
Cette définition passe par un renforcement de nouveaux champs d’actions orientés vers l’humain, en tant qu’habitant et acteur à part entière de la ville. Le côté social ne se limite donc pas uniquement à la part des personnes à faibles revenus dans le programme de logements mais va bien plus loin, mettant dans sa définition certes subjective, la cohésion sociale et le rôle de l’individu dans la société. Faire se mélanger des classes qui n’auraient initialement pas vocation à l’être en est l’objectif. L’éco-quartier, conçu avant tout afin d’offrir des services et des infrastructures de base accessibles à tous, doit pouvoir s’adapter à des aspirations et à des contraintes sociales en perpétuelle mutation.
Ainsi, les champs d’actions de la santé, du logement, de la consommation, de l’éducation sont sollicités. La capacité de chacun à faire et être, c’est-à-dire la capacité à se déplacer, se loger, être en bonne santé, se nourrir de façon équilibrée, être socialement reconnu et respecté et tout cela dans un environnement immédiat de qualité (qualité de l’air, lutte contre les nuisances sonores...) sont également inclues dans sa définition. Ainsi, le développement socialement soutenable intègre à la fois les dimensions sociétales mais aussi individuelles de chaque personne à la recherche d’un objectif d’équité sociale. Contrairement aux champs d’actions précités favorisant les durabilités écologiques, facilement identifiables et mesurables, la durabilité sociale l’est bien moins.
L’éco-quartier prend en considération l’activité économique comme entrée du développement urbain durable. Développer les filières de l’économie locale et des circuits courts/gestion durable/ mixité du programme intégrant des activités économiques (tertiaires, commerces, services…) sont des champs d’actions de la durabilité économique. Elle passe par une mixité de logements et de commerces permettant d’assurer un certain niveau d’activités aux commerces de proximité accessibles à toutes les couches de population. A ce propos, la durabilité économique s’efforce de réduire les inégalités entre les différents groupes de la société en fournissant des possibilités d’emplois significatives associées à un salaire raisonnable pour tous les citoyens.
Mur végétal sur le groupe scolaire, avenue de Clichy, Paris 18ème
Mais les durabilités économiques concernent aussi les étapes de création du futur quartier. Ainsi, optimiser la portée économique du projet, assurer la pertinence du montage financier et garantir la pérennité du projet doivent également être pris en compte dans la réalisation du quartier. En plus, la durabilité économique dissuade vigoureusement la génération des externalités découlant de l’activité économique. La pollution de l’air, de l’eau et du sol en sont des exemples. Elle favorise plutôt les modes de déplacements respectueux de l’environnement qui requiert l’utilisation de technologies appropriées et encourage l’utilisation des ressources renouvelables comme moyens de production.
Cette durabilité économique peut être atteinte lorsque les possibilités d’emploi, offrent un travail significatif, facilement accessible, et un salaire raisonnable à tous réduisant les inégalités entre les différents groupes de la société. La localisation des activités et des logements, articulée au système de déplacements est une variable d’ajustement possible pour une société plus neutre en carbone. La réflexion aboutit à une configuration urbaine selon laquelle chaque individu disposerait d’un panier d’emploi et de services à X minutes de sa résidence.
Le « quartier durable » tend à être une notion étendue de l’éco-quartier où les habitants s’identifient par un mode de vie durable, un réel mode d’habité, où ces derniers ont été tenu au courant bien amont de l’élaboration du projet, notamment par une forte participation habitante dès les premières étapes de concertation.
Aujourd’hui, il n’est aucun des projets actuels qui ne soient précédé d’un fort engagement politique de la collectivité locale concernée pour l’écologie. Face à l’ampleur des enjeux et des pouvoirs, les élus pourront, pour certains d’entre eux, réagir en fonction de leur tempérament, de leurs convictions, de leur entourage politique et technique en dépit total de leur intérêt communal. Par conséquent, les élus français se lancent inexorablement dans la course à l’innovation écologique dont le but est bien plus de donner une toute belle image de marque à la ville que de créer véritablement un quartier écologique.
A titre de comparaison avec les autres pays européens (nordiques notamment) où les éco-quartiers connus et reconnus sont une des références en la matière d’efficacité énergétique déjà depuis de nombreuses années, l’intégration de l’environnement dans les politiques urbaines est en France, récente. Fréquemment sorti de terre à l’occasion d’évènements exceptionnels, les éco-quartiers nordiques sont utilisés comme des vitrines de leur savoir-faire en aménagement urbain durable et les communiquent au niveau international (visites déambulatoires, guides de bonne démarche…). Ainsi, des pèlerins de la durabilité (notamment des élus) en visite dans ces éco-quartiers, vont chercher à leur échelon, à conjuguer les critères de développement durable sur le périmètre de leur commune en portant symboliquement des envies et des désirs pour aboutir à un vivre mieux.
Et vous, êtes-vous au courant du futur projet de votre ville ?
« Si je suis élu, je serai immortel ; si je suis battu, je n’en mourrai pas » André Roussin (auteur dramatique français)
Photo de couverture : éco-quartier de BedZed pour Beddington Zero Energy dans la banlieue de London