Sur internet et les réseaux sociaux, je parcourais de nombreux articles municipaux présentant le nouveau quartier Pajol du 18ème arrondissement de Paris. Les qualités architecturales et environnementales de son bâtiment étaient mises en avant mais aussi et surtout son verdoyant jardin de 8 000 m² nommé Rosa Luxemburg (la ville de Paris rendant hommage à cette figure du militantisme spartakiste, journaliste et enseignante russe naturalisée allemande et figure de l’internationale ouvrière).
Ni une, ni deux, me voilà sortant du boulot et pressé d’aller découvrir ce nouveau lieu. Nouveau ? Pas vraiment car son inauguration date de l’été dernier mais je dois avouer que jamais, malgré le parisien que je suis, je n’avais fait la marche et la démarche de m’y rendre. En plus, pendant mes études d’urbanisme, les dignes professeurs nous parlaient déjà de la reconversion urbaine de l’ancienne halle Pajol, servant d’entrepôt et de gare de marchandises à la SNCF depuis les années 1920.
C’est en effet une belle reconversion urbaine. A l’heure où le foncier se fait rare dans le Paris intra-muros, quoi de mieux que de réutiliser à bon escient l’espace en se réappropriant un ancien terrain ferro-urbain désaffecté et laissé à l’abandon depuis des années ?
Lundi 4 mai 2015. 18h45.
Le jardin est coincé entre les voies ferrées des gares du Nord et de l’Est (plus proche de celles de la gare de l’Est d’ailleurs). J’approche de sa porte d’entrée à l’angle des rues Pajol et Riquet.
L’accès donne directement sur le jardin extérieur légèrement escarpé offrant un bien joli panorama urbain sur les rails de la gare de l’Est. Dans cette première partie, prédomine une aire de jeux où prennent bonne place de nombreux bancs assaillis par les riverains. Au milieu, des pongistes tapent la balle blanche. Déjà, le végétal, bien présent, est ponctué par quelques arbres épars. Tout à côté, les enfants « toboggandent » dans le tube sous les yeux de leurs mères.
Plus bas, le jardin extérieur n’est plus et fait désormais place au bâtiment en bois, accolé à une magnifique ossature métallique noire rappelant fortement le passé industriel du début du siècle. C’est sur la toiture à shed du bâtiment que sont installés les 3 500 m² de panneaux photovoltaïques nécessaires à la production de l’électricité, injectée ensuite dans le réseau public.
N’ayant eu la fibre urbanistique dans les années 90 (car trop jeune), je n’ai donc de photos comparatives avant / après du lieu. Vous les trouverez donc sur le site de la SEMAEST (Société d’Economie Mixte d’Aménagement de l’Est Parisien), l’aménageur du nouveau quartier.
Pour ce projet, les matériaux utilisés dans la réalisation du jardin et du bâtiment proviennent pour partie de l’ancienne halle mais aussi des rails et des pavés d’autrefois. A l’heure des préoccupations écologiques et des économies en matière de ressources naturelles, les processus de recyclage et de réemploi des matériaux se répandent derrière la quasi-totalité des palissades de chantiers de nos villes. Heureusement en fait !
Sous le bâtiment, le jardin intérieur d’une superficie de 2 500 m² nous attend. Le décor change « l’ambiance de sous-bois, humide et agréable » décrite par la conceptrice du lieu Hélène Jourda, est bien présente. Pas grand monde en cet fin d’après-midi du coup, la perspective, vidée toute présence humaine, est assez impressionnante donnant regard jusqu’au bout du jardin sur au moins 100 mètres.
Ici, l’organisation est précise et laisse place à une large allée propice à la déambulation avec, à gauche et à droite, la végétation promise. Certains plants ont les pieds dans l’eau, d’autres non.
Vous aurez peut-être la chance de faire une rencontre amicale avec le canard (je ne pense pas que le palmipède soit unijambiste mais plutôt que sa patte est cachée sous son plumage).
N’étant pas expert en botanique, je ne pourrai lister l’ensemble des végétaux. Cependant, j’ai pu reconnaître cèdres et charmes. Le jardin est irrigué par l’eau de pluie, collectée sur le toit. Les bassins où trempent les pieds certaines plantes recueillent en conséquence leur besoin en nutriment : l’eau servant aussi à l’arrosage de cet écrin de verdure.
Non loin, des jardins familiaux ont été crées et mis à disposition des diverses associations du quartier, et notamment celle du Vergers Urbains, afin que régulièrement leurs membres y fassent pousser leurs légumes préférés comme un retour aux valeurs agricoles ainsi qu’au respect de la terre nourricière.
Dans ce sous-bois, les riverains peuvent flâner à leur guise. Visuellement, l’ossature métallique mélangée à la structure bois du bâtiment ainsi qu’à la végétation organisée est somptueuse. L’espace est calme, très calme même et ce n’est pas les 2-3 trains ne faisant que passer au ralenti qui perturberont votre visite de ce paisible endroit.
Suite de la balade urbaine. Il était logique d’aller découvrir l’autre côté du bâtiment, sa façade vivante et ses multiples fonctions. La réhabilitation urbaine, c’est aussi créer des fonctions sociales et sociétales rendant le lieu vivant et occupé où chacun peut se réapproprier l’espace public à sa manière.
La bibliothèque Vaclav Havel (du nom du dramaturge et homme d’état tchèque) et l’auberge de jeunesse Yves Robert (la plus grande de Paris) ont été réalisées. Côté culinaire, allez au restaurant LES PETITES GOUTTES et testez donc le menu Végan (P’tite salade médina + Big végétal tartare + perle du Japon).
A côté, ce sont les ATELIERS DRAFT. Un atelier de fabrication collaboratif et un espace de travail où les créateurs et designers laissent exprimer toute leur inspiration. Leur vision : « réunir sous un même toit toutes les étapes du cycle de vie d’un projet / produit : conception, fabrication, distribution ». Il y a même une machine 3D à votre disposition !
Quelques explications architecturales par Hélène Jourda, la conceptrice du lieu :
En supplément, un petit aperçu du jardin, de l’atelier et du restaurant par « Paris Pastèque », la web-émission « culturbaine » de la capitale :
A l’approche des beaux jours, je vous conseille bien sûr de découvrir ce bout de biodiversité qui démontre que la capitale française se fait et se refait au fil des années, en n’oubliant à aucun moment son passé industriel chargé d’histoire fascinante et indéboulonnable…
Les accès et les horaires du jardin Rosa Luxemburg ? C’est ICI !
« Le meilleur moyen de prendre un train à l’heure, c’est de s’arranger pour rater le précédent ». Marcel Achard (auteur dramatique et scénariste français)